Champagne Mumm

Trop jeune, trop vert. « En 2003, quand je suis arrivé chez Mumm, le Cordon rouge, la cuvée mythique de la maison, n’était pas au mieux de sa forme », se souvient le chef de cave Didier Mariotti, 44 ans. La célèbre bouteille est à l’époque boudée par les sommeliers. Créée en 1876, quand la marque eut l’idée de la décorer d’un ruban rouge (en référence à la médaille de la Légion d’honneur), elle a pourtant connu la gloire, se faisant vite une place dans les cours royales. En 1904, elle accompagne même le navigateur Jean-Baptiste Charcot lors de son expédition en Antarctique. Cette cuvée emblématique, qui représente 80 % de la production de la maison, se devait donc de retrouver le chemin de l’excellence. « C’est chose faite, confirme le chef de cave. Cela m’a pris plus de dix ans. C’est aujourd’hui le champagne dont je suis le plus fier. »

Un taux de sucre moins élevé
Pour réussir cette prouesse, il a fallu de la patience et faire attention au moindre détail. Le Cordon rouge est un assemblage de trois cépages, avec une dominante de pinot noir, qui apporte de l’intensité, du corps et du caractère. « Cet assemblage comprend 30 % de vins de réserve (issus d’années antérieures, NDLR) », précise Didier Mariotti. Chaque année, lui et son équipe d’œnologues en dégustent environ 200, afin de sélectionner ceux qui entreront dans la composition du champagne au cordon. « Pas facile de trouver le bon équilibre. 2015 est une année saine, avec une belle maturité. La question est de savoir si l’acidité sera suffisante. » Un important travail a notamment été fait sur le dosage. « Le taux de sucre est passé de 10 à 8 grammes par litre. » Un gage de qualité, quand on sait que le sucre, comme le sel en cuisine, est utilisé pour masquer facilement les petites imperfections.

Deux ans et demi en cave
Une fois assemblé et mis en bouteille, le Cordon rouge passe deux ans et demi en cave. C’est durant cette période que se fait la « prise de mousse » – le vin devient effervescent –, sous l’action des levures. Au fur et à mesure du vieillissement, les levures meurent et sont poussées vers le col de la bouteille, puis on les congèle et on retire ce bouchon de glace. Afin de compenser le champagne perdu lors de l’opération, on ajoute ce qu’on appelle la liqueur d’expédition, composée de sucre et de champagne. « Nous avons soigné sa qualité, reconnaît Didier Mariotti. Pour nous, cette liqueur est comme une épice. » On obtient finalement un champagne gourmand,
avec des notes de fruits frais et une petite maturité. « En bouche, on démarre sur une sensation de fraîcheur, qui laisse place à de la rondeur. Ensuite, la finale se retend », analyse le spécialiste. Une première gorgée qui en appelle une autre.
HÉLÈNE HURET